Des cœurs qui se confrontent...

*Bryan avait comprit le regard appuyé de Shanoa, mais mieux valait qu'elle ne soit pas présente, car il avait fait à croire à ses hommes qu'il l'avait tué suite à son interrogation. En silence, tendu, il les suivit du regard et au moment où il vit la robe d'Alana disparaître dans l'embrasure de sa chambre, il alla promptement vers son immense carte. La soulevant, il fouilla dans ses poches pour prendre la clé ouvrant le mécanisme. L'enfonçant dans le trou à cet effet, la porte en pierre s'ouvrit. Derrière, un homme mince et petit s'y tenait, son regard était paniqué. Fronçant les sourcils, Bryan s'engouffra dans le passage, laissant la porte se refermer derrière lui.*

-Que se passe-t-il ? Demanda-t-il en soutenant d'un regard inquiet l'informateur s'appelant Aydan.
-Monsieur, j'ai une très mauvaise nouvelle. César a prit Vellaunodunum et Cénabum. Il fait à présent route vers le pays des Bituriges. 

*Devant ces cuisantes défaites, Bryan dévisagea l'homme d'un regard interdit, même dérouté. Alors, César avait à nouveau débuté une campagne et visiblement, il avait commencé en force. Serrant les poings, Bryan ordonna :*

-Qu'un messager aille prévenir immédiatement le roi Vercingétorix. César ne doit pas atteindre Avaricum. Informe lui aussi que Aleco est mort et les rebelles mis en déroute. 
-À vos ordres, chef. Répondit l'homme en tournant les talons, puis se souvenant qu'il avait une autre information pour Bryan, il informa : Le commandant Caius que vous chercher, il se trouve présentement dans un quartier d'hiver Romain en Armorique, proche de l'Oppidum de Moulay.


*Cette autre information dérida un temps soit peu son chef qui le remercia d'un sourire puis il lui fit un signe de partir sur le champs. Bryan le suivit du regard et d'un soupir, il alla voir ses hommes question de savoir ce qui en était des autres missions et batailles auxquelles il n'avait pu participé. Ce qu'il apprit le rendit soucieux, les Romains s'étendaient, malgré la résistance gauloise, laissant de nombreuses victimes et pillages sur leur passage. Amer, il prit congé pour revenir à sa demeure et silencieusement, il referma la porte derrière lui. Très préoccupé par ce qui passait, Bryan alla se servir un deuxième verre de cervoise et après l'avoir bu d'une traite, il alluma un feu dans sa cheminée, question de réchauffer son logis et y voir plus clair. Fixant les flammes, le guerrier s'accroupit, le regard lointain et très préoccupé. Si César réussissait à atteindre Avaricum, il allait soumettre la nation des Bituriges en entier. Comme si le massacre des éburons n'avaient pas suffit ! Non rien n'allait suffire pour César, à l'exception de gagner cette guerre. D'un profond soupir, Bryan ferma les yeux en accotant son front dans sa paume.*

-Ah Nuada...Avons-nous une chance de gagner? Combien de victimes pour obtenir la victoire ? Qu'allons-nous devenir si nous perdons ? Se questionna-t-il pour lui-même se croyant seul dans la pièce.

*La seule réponse qu'il reçu de son Dieu fut la douce musique d'Alana...*

*Shanoa laissa Alana vaquer à ses occupations, avant de s'en retourner vers l'escalier. Elle attendit comme un fauve tapi dans l'ombre le retour de Bryan, qui commençait à se faire long. Elle le vit revenir. Elle resta silencieuse, observant le comportement de son Maître. Il avait l'air très préoccupé, et la cervoise en prit pour son grade ! Lorsqu'il se mit à parler tout seul, elle se décida et descendit les escaliers d'un bond, avant de le rejoindre à sa hauteur d'un second saut. Elle avait des airs de chat, de part ses bonds et sa démarche, jusqu'au ton feutré de sa voix.*

Parfois ce n'est pas la victoire qui compte mais le combat....

*Aux yeux de Shanoa, pour l'heure la Gaule était condamnée. Trop éparpillée, pas assez entraînée et équipée. Ho pour sûre elle avait des guerriers farouches qui n'avaient rien à envier au romain. Mais ces derniers étaient littéralement des légions. Elle avait vu leur manœuvre militaire et leur organisation. Elle les avait vu combattre. Et à moins d'une coalition générale et structuré, ce n'était qu'une question de temps avant que la défaite n'arrive. On pourrait se demander pourquoi elle continuait d'aider Bryan dans une entreprise qui lui semblait vaine. Et pourtant...*

Conquérir un territoire ne veut pas dire soumettre un peuple Bryan. J'ai été séquestrée pendant dix ans. Je ne me suis jamais résignée pour autant.... Et le jour où j'ai enfin eu l'opportunité de me libérer.... Mes geôliers n'ont eu aucune chance. Trop sûr d'eux et de leur victoire acquise. Trop confiant en leur effectif. Toi-même tu as su te déguiser en aigle pendant des années pour mieux les duper au moment venu. Chaque bataille gagnée, chaque gaulois tombé devront raisonner comme des motivations à ne jamais abandonner dans le cœur de ton peuple. C'est cela que ta lutte doit inspirer. La résistance.... Si Rome doit marcher sur la Gaule, ce sera sur ses genoux.... Si la Gaule doit tomber aux mains des romains... Ce ne sera que le temps qu'elle puisse les consumer de l'intérieur. Les romains sont belliqueux et orgueilleux. Ils ne sauront jamais s'arrêter dans leur soif de conquête. Il nous suffira d'attendre qu'il s'engage sur un autre front.... Et ils seront finis.

*Elle vint poser sa main sur l'épaule de son Maître, espérant lui avoir redonner un peu d'espoir et de motivation, avant d'enchainer un sourire carnassier aux lèvres.*

En attendant... Chaque romains de tué est un souci en moins ! Et qui sait, peut-être que si on leur en fait suffisamment baver, on pourrait gagner cette guerre ? Seuls les dieux savent....

*Dans tous les cas il y aurait des massacre et Shanoa y trouverait son compte. Elle poussa un léger soupir.*

Dire qu'on devait faire la fête ce soir, mais j'ai l'impression que c'est la journée des ennuis.... Qu'allons nous faire dans l'immédiat ?  Cette femme, Alana... Il serait plus sage qu'elle rentre chez elle se mettre à l'abri. Je n'ai pas l'impression qu'elle puisse combattre.

Bryan était tellement habitué de vivre seul qu'il en avait oublié la présence de Shanoa et d'Alana dans sa demeure. Or, la douce musique de la barde le fit revenir à la réalité ainsi que la sensation qu'une furtive présence s'était glissée à ses côtés. Haussant les sourcils, le Gaulois tourna son regard ambré vers son élève qui avait entendu ses propos. D'une réplique sage, elle prétendit que parfois ce n'était pas la victoire qui comptait, mais le combat. L'espion eut un sourire un peu triste et il répondit :

Shanoa expliqua alors  que selon elle conquérir un peuple ne voulait pas dire le soumettre. Écoutant ses attentivement ses paroles, Bryan discernait qu'elle avait peu d'espoir en la victoire gauloise et que devant la défait,  son peuple allait devoir continuer à lutter, feignant une soumission temporaire pour mieux frapper au bon moment. Il ne put s'empêcher de sourire un peu quand elle prétendit que s'ils faisaient baver suffisamment les Romains, ils allaient peut-être gagner cette. D'un rictus, il répliqua :

Il soupira, un nuage sombre passa sur son visage, ses yeux se détournèrent de Shanoa vers les flammes dansantes. La lumière chaude vint éclairée son visage masculin, ainsi que sa tignasse noire soyeuse, où aucune trace de vieillesse n'avait laissé sa marque, malgré les dures épreuves qu'il avait vécu. D'une voix profonde et sourde, il confia avec gravité :

Il fit silence puis il rajouta :

Sur ce dire, Bryan ressentit un souffle d'espoir et de volonté de fer l'étreindre. Qu'importe le triomphe des Romains, ils n'allaient jamais réussir à vraiment soumettre ces irréductibles Gaulois. Son sourire revient, il croisa le regard d'azur en répondant à la dernière question de Shanoa :

Une victoire peut avoir le plus amer des goûts si on lui impose un coût élevé...

Elle savait qu'il était démotivant de se battre pour une cause perdue. Mais dans le cas de Bryan et de son peuple, avaient-ils seulement d'autres choix ? S'ils ne résistaient pas jusqu'au bout, dans vingt ans tout le monde aura oublié jusqu'à l'existence même de ce peuple.... Et ce fut justement la culture de son peuple qui renforça le gaulois dans ses convictions. Shanoa esquissa un sourire en coin, rebondissant sur les propos de son Maître.

A toi d'écrire ta légende alors. Que tes faits d'armes et ton courage inspire tes pairs pendant des générations et des générations. Que ton nom résonne comme un exemple de courage, de férocité, et de détermination pour les tiens.... De terreur et de désolation pour et tes ennemis. Quelque chose me dit que tu as bien commencé !

Bryan ragaillardit, Shanoa semblait satisfaite. Elle préférait le voir ainsi. Il statua sur le cas d'Alana, et lui annonça une prochaine mission qui dessina un sourire carnassier sur les lèvres de la démone.

Voilà qui est plaisant à attendre ! J'ai hâte de découvrir quelle proie tu m'as réservée cette fois. Tâche de dormir toi aussi, la journée a été particulièrement longue pour toi.

En quelques petits bonds félins, l'elfette regagna les escaliers pour grimper dans la chambre d'amis. Elle allait avoir du mal à trouver le sommeil, curieuse et impatiente qu'elle était de découvrir quelle était sa prochaine mission. Le lendemain elle se leva de bonheur bien avant Alana, et pu aider son Maître à préparer le voyage. Elle était de bonne humeur.... Mais malheureusement elle était bien la seule. Bryan avait l'air un peu tendu.... Et l'arrivée d'Alana termina de refroidir définitivement l'ambiance. Shanoa observait silencieusement les deux humains, un peu perdue. Elle grimpa dans la charrette en soupirant un peu. Hé bien, cela allait promettre !